Chef terrain au féminin

Qui a dit qu'une femme ne pouvait pas encadrer une équipe masculine de technico-commerciaux de la distribution agricole ? Certains employeurs potentiels d'Isabelle Gasnier, lors de ses entretiens d'embauche, il y a à peine quatre ans. Celle qui est aujourd'hui responsable de l'animation d'une équipe de cinq TC à la coopérative Cabep, en Eure-et-Loir, reste très surprise de ces réactions : " J'aurais presque pu me plaindre pour discrimination ", plaisante Isabelle Gasnier, avant de reconnaître plus sérieusement, " dans les firmes phytos où j'ai travaillé, il y a beaucoup de femmes et la parité est vraiment respectée, mais c'est loin d'être le cas dans la distribution agricole ".

Agricultrice double active

Isabelle Gasnier n'est pourtant pas une féministe de la première heure, mais elle regrette que certains préjugés puissent nuire au développement de la carrière de femmes qui, comme elle, aiment le terrain, l'animation d'équipes et les métiers de la distribution agricole.

Aujourd'hui, Isabelle Gasnier est une responsable appros de coop pleinement épanouie. Les relations avec son directeur, qui lui a accordé sa confiance, et ses TC sont parfaites. Les agriculteurs de la région l'ont très bien accueillie lorsqu'elle est arrivée à la Cabep comme TC, avec un portefeuille d'une centaine d'adhérents. " Pour eux, le fait que je sois une fille était moins important que mon expérience et ma connaissance de l'agriculture locale ", se rappelle-t-elle. Car cette dernière est à la fois native de la région, riche d'une bonne expérience dans les phytos et agricultrice double active. Cette fille unique d'agriculteurs a grandi non loin du giron de la Cabep, entre Beauce et Perche. Elle a mené son parcours professionnel loin de la ferme familiale tout en reprenant sa gestion à distance. Et elle continue aujourd'hui, épaulée par un employé sur place et l'aide de sa famille proche de l'exploitation.

Du commercial au développement

Bac C en poche, c'est vers la production agricole et le terrain qu'elle oriente son cursus. Après une classe préparatoire à Paris, elle choisit l'Ensa de Rennes pour sa spécialisation protection des cultures. Son stage de fin d'études au centre d'expérimentation européen de DuPont, en Alsace, la liera pour quelques années à cette firme et au monde de l'agrochimie. Mais à la fin des années quatre-vingt-dix, le temps n'est plus au plein emploi dans ces entreprises et Isabelle Gasnier peine à trouver un poste technique correspondant à ses attentes. Chez DuPont, elle enchaîne donc quatre ans au service commercial, en appui technique des vendeurs d'une vaste zone en Champagne-Ardenne. Puis cinq autres années de retour à l'expérimentation en Alsace, comme responsable de développement Europe. " Ils voulaient un relais entre la recherche et le commercial, ce poste était idéal pour moi ", reconnaît Isabelle Gasnier, avouant toutefois avoir " perdu pied avec le terrain ". Cet éloignement de la production lui pèse. Elle veut être plus proche des agriculteurs et animer une équipe. Elle se tourne alors vers la distribution agricole. Après quelques refus pour les raisons précédemment évoquées, la Cabep lui ouvre ses portes. Le contact, les possibilités d'évolution et la motivation liée aux vastes chantiers de cette coop sur un territoire très bataillé, lui font vite oublier la perte des quelques avantages matériels que lui offrait le monde de l'industrie phytos.

Laurent Caillaud